22 Décembre 2018
Sources : Site Il était un Havre; Groupement Généalogique du Havre GGHSM; Archives Municipales; ouvrage Sanvic 1900-1955 de Le Meur; Richer; Valinducq; Site Lehavrephoto; Alphonse Martin, Le rattachement de Sanvic de Bernard Nicolle.
L'origine étymologique du nom Sanvic provient de façon très probable et lointaine (IXe siècle) de la dénomination donnée par les marins saxons et scandinaves qualifiant cet endroit, allant des limites actuelles de Ste Adresse au Bld Foch, de baie en sable c'est à dire en saxon-scandinave : Sand (sable) pour les uns (saxons) et Vik ou Vig (anse) pour les autres (scandinaves). D'autres versions étymologiques partent de la contraction scandinave de Sank (marécageux en suédois) et vik (anse) comme celle moins convainquante à contracter les terme saxons sesnes (saxons) avec vik (crique) pour donner Sesnesvik (la crique des saxons).
Ces trois principales versions étymologiques du nom Sanvic sont données par Sesnesvik (la crique des saxons) ou par Sand vik (crique sableuse) ou encore Sank vik (la crique marécageuse). Elles s'agrègent phoniquement pour expliquer une probable origine multiple mais chaque fois justifiée du nom Sanvic. On peut conclure que le nom Sanvic est d'origine saxonne. Sa signification très probable est «crique des Saxons» et date d'une période lointaine comprise entre le IIIe et le IVe siècle.
Au IXe siècle Sanvic était un port avec havre intérieur, constitué par une crique vaseuse, l'ancêtre le plus éloigné du Havre actuel ainsi que des anciens ports de Leure, Graville et Harfleur. A cette époque la crique est fréquentée par des visiteurs ou pirates saxons étant donné qu'il y avait là un petit port naturel protégé par la muraille de galets et accédé par un canal jusqu'à une grande mare.
Au 14e siècle ce Port naturel de Sanvic, déchu de son ancien rôle saxon puis connu sous le nom de Port aux Bateaux ou Port des Tuileries voit son accès obstrué par l'enceinte du Hâvre de grâce. Il subsistait cependant en partie au delà de l'enceinte des remparts du Havre sous le nom de Mare des Huguenots, vestige de ce Port-aux-bateaux, la dite mare est encore visible sur le plan du Havre de 1843.
Ainsi cet endroit du rivage (la plage du Havre) donna son nom au hameau rural perché sur les hauteurs où était établi une chapelle paroissiale saint Denis et à portée de chemin par la valleuse ou entaille, équivalente au trajet dit plus tard de la Cavée à Sanvic (actuelle C. Marical).
Les habitants ont élevé, à une date qu’il est impossible de déterminer formellement, une première et modeste chapelle dont on a, nous dit Alphonse Martin, retrouvé les traces encore visibles lors de travaux d'agrandissement en 1610 et de reconstruction en 1863. Ce dont on peut être sûr, c’est que la première chapelle paroissiale Saint Denis était bien présente au IXe siècle en 1035 puisque, dans une charte portant ce millésime, le duc Robert de Normandie en confie le patronage à l’abbaye de Montivilliers. Le nom de Sanvic est formellement mentionné dans cette charte signée en 1035 de la main même du Duc Robert de Normandie.
Au IXe siècle Sanvic était, à l’époque où Le Havre s’apprêtait à surgir des marais de l’estuaire, un village qui présentait deux visages radicalement différents.
Le premier, au nord d’ Ingouville, culminant sur le plateau à une centaine de mètres au-dessus du niveau de la mer, était désigné communément sous le nom de « Haut » Sanvic. C’était une bourgade constituée de petits hameaux épars, de terres arables et d’une population de cultivateurs.
Le second Sanvic, le Bas-Sanvic, était une bande de terre qui s’étirait en descendant depuis le haut du plateau jusqu’au bord de la mer et dont les habitants vivaient essentiellement des produits de leur pêche.
Au fil des siècles les deux Sanvic confortent leur particularité et caractère propre. Sanvic bas est un lieu de pêche et de briqueteries et Sanvic haut un hameau rural. Au début du XVIe siècle, les besoins sans cesse plus importants de la ville du Havre en matériaux de construction, conduisirent à la création de nouvelles briqueteries et de nouvelles tuileries dont la matière première était extraite des marais du rivage du Bas-Sanvic, qui vinrent s'ajouter à celles qui existaient déjà, comme le souligne Jean Legoy. « Dès le XVe siècle, a écrit ce dernier, les terrains en bordure de la mer (Sanvic descendait alors jusqu’au rivage) et au Chef-de-Caux sont exploités pour la fabrication des tuiles et des briques ». Souvent, du reste, les habitants exerçaient simultanément deux professions et il leur arrivait de se dire « pêcheur-briquetier » ou « laboureur-tuilier ». Et Alphonse Martin de préciser : « On peut citer la famille Godin, qui avait fait des générosités à l’église et dont l’un des membres se qualifiait de laboureur et de tuilier au XVIe siècle ».
Au début du XVe siècle, ce même rivage de Sanvic fut sans doute le théâtre d’une farouche bataille que se livrèrent Français et Anglais pour la possession de la ville d’Harfleur, considérée par les uns et les autres comme la clef de toute la Normandie. Le 13 août 1415, l’armée anglaise débarque sur la plage et le combat s’engage « dans les marais à deux lieues d’Harfleur ». En croisant les mémoires et autres chroniques de l’époque, il apparaît que les marais en question se situaient à proximité du Chef-de-Caux. Or, il se trouve qu’à deux lieues d’Harfleur, près du Chef-de-Caux, se trouvent précisément les marais du Bas-Sanvic.
En 1665 Sanvic compte 500 habitants dont 20 protestants.
En 1791 peu après la révolution le premier Maire de Sanvic Robert Le Demandé est nommé, il est propriétaire d'une faïencerie située à l'angle des rues Guillemard et Joseph Morlent.
A la révolution, en 1794, Sanvic change temporairement de nom il devient 'Bonne santé', Sanvic étant considéré par les révolutionnaires prendre ses origines d'un 'Saint Vic'.
La maison du vicaire fut en 1792 la première mairie de Sanvic. Elle fut transférée en 1796 dans l'école sise en bordure du cimetière de l'église.
L'annexion de Bas-Sanvic par le Havre
La partie haute de Sanvic garde longtemps son caractère rural, tel y parait dans les écrits de 1825. En 1828 la commune compte 940 habitants pour une superficie de 327 ha dont 98% n'est pas bâtie. En 1844 Joseph Morlent dit que les riches moissons de sanvic fournissent largement leur part à la consommation du Havre
Dans cette période des années 1840 la question de la séparation entre le bas et le haut devient d'actualité au sujet des difficultés financières du Bas-Sanvic dont l'habitat est vétuste insalubre souvent dégradé par les caprices de la mer et du littoral marin. En 1840 cependant l'activité du Bas-Sanvic se diversifie, on y trouve verrerie, faïencerie, briqueteries, et une fabrique de noir animal (engrais de charbon d'os animal). Le haut Sanvic composé de propriétaires, fermiers et commerçants souhaitent une division avec le bas, considérant trop payer pour le bas. Chaque Sanvic dispose d'une école et d'une église et toutes ces circonstances amènent à la séparation des deux Sanvic de nature bien différentes. En effet Bas-Sanvic éloigné de 1,5km à gravir par la Cavée de Sanvic du lieu de culte rendant l'exercice de leurs devoirs religieux difficiles, constitue un comité pour le financement du nouvel édifice religieux et courant 1849 les travaux de la paroisse Saint Vincent de Paul devaient commencer. L'édifice aux grandes dimensions était livré aux services religieux dès 1851.
Dans la même période la commune d'Ingouville devenue faubourg du Havre tout comme le Bas-Sanvic cherche à s'unir tout comme avec Graville bas. Les communes échangent des correspondances et consultent les habitants pour s'unir entre 1830 et 1849. Notamment en 1843 les communes d'Ingouville et de Bas-Sanvic forment un projet d'union sans suite établi par l'architecte Voyer en décembre 1843.
La question de l'annexion de Bas-Sanvic s'agitait depuis 1842 et en 1849 le Conseil municipal sous la présidence du Maire Vicart s'y opposa formellement par 33 voix contre 12 ''la commune de Sanvic n'était nullement dans la nécessité d'un fractionnement'' .
Cependant l'année suivante en 1850 le même Conseil sous la présidence du maire P. Duplessy annonce que le projet d'annexion ne soulevait que de faibles oppositions. Il faut rappeler que le Conseil était constitué de 1/3 de contribuables les plus imposés tous du Haut -Sanvic ce qui peut expliquer ce vote favorable à la séparation des territoires.
Par décret du Monarque-Président Napoléon III le 2 juillet 1852 l'autorisation est donnée de détruire les fortifications combler les fossés sources de nuisances et d'annexer Ingouville, Graville et Bas-Sanvic (37 hectares). Bas-Sanvic était la partie la plus peuplée de la commune à cette époque. La même année Le Havre alloue une somme pour la finition de Saint Vincent de Paul et Sanvic haut est érigée en commune qui n'était plus qu'un gros village rural de 1500-2000 habitants sur une superficie de 290 hectares. Mais Sanvic repart à la hausse et devient la cité dortoir du Havre. La Cavée Verte est un lieu de guinguettes et de bals champêtres.
Sanvic-Haut au 19éme siècle
1854 commencent les travaux du Fort de Tourneville sur l'emprise du Hameau du Vornier donc de la commune de Sanvic. La limite de la commune de Sanvic recule une seconde fois en 1856 pour intégrer cette fois l'emprise du Fort de Tourneville dans les limites du Havre.
1855 la chapelle paroissiale Saint Denis est détruite et reconstruite dès 1857. En 1860 la mairie est installée au rez de chaussée d'un immeuble situé au 5 rue Gambetta. Une première vague de lotissements d’initiative privée réalisée dans les années 1860 à 1890 fit tripler sa population, notamment avec la construction du quartier Boulogne.
L'église St Denis de Sanvic dont la reconstruction débute en 1861 dix ans après les travaux de construction de Saint Vincent de Paul et reconstruite en 1867 dans un style néo-romane en brique craie et silex mais subit des modifications jusqu'en 1891 date où elle est achevée et consacrée. La mairie est installée dans l'école Jules Ferry en 1867. Des voies d'accès se créent par la rue Cochet (1876), le funiculaire (ouvert en 1890), et le premier tramway par les quatre chemins et Clément Marical (1897). La même année Jules Balière maire de Sanvic fait construire une gendarmerie. La seconde ligne de tramways passant par Cronstadt et la Cavée verte raccorde Sanvic jusqu'à l'église dès 1902. Une seconde vague de lotissements survint de 1900 à 1914 pour former les nouveaux quartiers de la Sous-Bretonne, du Val-Soleil et de la Mare-aux-Clercs. Sanvic comporte 8250 habitants en 1900 et 10000 habitants en 1910. A l'étroit dans les locaux de la mairie rue Romain Rolland dès 1910, la Mairie s'installe dans la demeure bourgeoise Launay juste après la fin du conflit 14-18 et inaugurée par le Maire Georges Vavasseur le 3 septembre 1920.
Une troisième vague de lotissements dits ''modernes'' se réalisent de 1919 à 1939. A la veille de la guerre, Sanvic comptait près de 17 000 habitants.
La commune de Sanvic a été déclarée sinistrée en 1945 par les bombardements de septembre 1944. Son bourg central ainsi que certains quartiers à la périphérie dans les secteurs Renaissance et Mare-Rouge ont été détruits.
L'annexion au Havre de Sanvic
Sans ressources particulières ni industrielles ni commerçantes importantes, Sanvic ne disposant que de ressources fiscales au demeurant assez faibles puisque provenant d'une population pour l'essentiel ouvrière, connaît des difficultés d'équilibre financier. La question du rattachement commence à paraître sur initiative havraise en 1942 (Pierre Courant) de vouloir constituer Le Grand Havre, sous le mandat du maire de Sanvic Legrand qui réplique par une opposition ferme. Il sera même amené à se dire scandalisé par l'initiative havraise d'une commission 100% havraise, jetant le trouble dans l'opinion en faisant mention par campagne de presse répétitive notamment dans un article du Petit Havre le 30/09/1942 d'un voeu de réunion des communes de Le Havre et Sanvic sans même en avertir le Conseil Municipal de Sanvic. Il réagi en cela par une délibération municipale du 13 novembre 1942 : "Le Conseil Municipal émet le voeu qu'il ne soit en aucune façon porté atteinte à l'autonomie territoriale et administrative de la ville de Sanvic". En 1943 ce même Conseil réitère son opposition au rattachement :"au cas où le gouvernement passerait outre au désaccord des parties intéressées". Une enquête de la population donne le non au rattachement en tête avec 200 signatures défavorables au rattachement.
Le nouveau Conseil Municipal sous le mandat du maire Dietsch en 1949 prend le relais et sera toujours farouchement et fermement opposé au rattachement au Havre.
En 1953 le nouveau maire Siefridt député de son état depuis 1946 se déclare 'annexionniste'. Il lance une consultation municipale qui donne une opposition de 14 contre et 10 favorable. Une seconde consultation rencontrera la même opposition.
De nouvelles élections se déroulent en avril 1953 et seront marquées par le sujet clivant du rattachement. Le stratégie consiste à créer cette fois 3 listes 'annexionnistes' sur les 5 en lice.
Par le jeu de la multiplication des listes puis par leur cumul, les 'annexionnistes' sortent renforcés de ce vote donnant cette fois à M. Siefridt la majorité favorable à l'annexion de Sanvic (52,7% des votes exprimés) leur attribuant 17 sièges sur les 27 sièges et 10 sièges opposés à l'annexion.
Pour l'annexion :
Contre l'annexion :
M. Siefridt est élu maire par 14 voix sur 25 exprimées.
Dès lors les opposants au rattachement, peu structurés et sous la pression, sont affaiblis et le maire réélu ne tarde pas à confirmer '' mon premier soin sera de préparer le rattachement au Havre''. Un vote en juin1954 donne 16 favorables au rattachement et 6 contre, les 5 autres étant blancs ou abstentionnistes. En outre les finances de Sanvic persistent à être dans le rouge.
En visite au Havre en juin 1954 le Président de la République René Coty est reçu à Sanvic par le Député Maire de Sanvic, Louis Siefridt, qui lui rappela que ''bientôt, Sanvic aura cessé d'exister en tant que commune autonome, car l'heure est venue de réaliser la Grande ville, afin d'obtenir plus d'efficacité et plus de justice sociale, afin aussi de relever le niveau de vie des travailleurs. Votre visite, Monsieur le Président, conclut le Maire de Sanvic, met le point final et glorieux à une histoire locale ou vous avez joué votre rôle."
Pour le havrais et député maire de Sanvic Siefridt et pour le maire du Havre il s'agit d'apporter au Havre dans un calcul politique des voix conservatrices en mesure de contrer celles des communistes au Havre et de faire reculer ceux-ci. A l'inverse les communistes et SFIO du Havre ne sont guère pressés de voir ce rattachement s'effectuer pour la raison inverse que l'on peut comprendre politiquement. Par ailleurs côté Ville du Havre, l’annexion de Sanvic en 1955, comme Bléville 1953, devait permettre outre le calcul politique d'ouvrir de vastes réserves foncières à la Ville du Havre pour y bâtir de l'habitat collectif que nous connaissons tous dès 1960 en réponse à une demande en logement en rapport avec le reprise économique de l'après guerre dès 1950
Cependant au Havre les finances municipales ne sont guère meilleures qu'à Sanvic et d'aucuns pensent que les finances havraises ne sont pas en mesure de supporter la charge supplémentaire du rattachement de Sanvic. Le rattachement de Sanvic est soumis au Conseil municipal du Havre un 24 janvier 1955 donnant 19 voix contre et 18 pour. A une voix près le rattachement de Sanvic est refusé au niveau du Havre.
Qu'à cela ne tienne le Conseil municipal de Sanvic prend une nouvelle initiative et s'en réfère à l'étage supérieur, à l'Etat en l'occurrence, pour trouver un arbitrage favorable et lance la demande d'une enquête de commission officielle et ce sera là le coup de grâce de l'autonomie communale de Sanvic. Par décret du Conseil d'Etat acté le 29 novembre 1955, Sanvic est déclaré rattaché au Havre.
Ainsi s'achève les 9 siècles d'existence de ce village chargé d'histoire mais qui garde dans ses murs et sa configuration une âme reconnue et recherchée encore aujourd'hui par ses habitants.
Ecole Jules Ferry 1867-1976. Initialement composée de 3 classes en 1867, elle est agrandie progressivement à 9 classes en 1931